L’agriculture emploie quatre millions d’actifs au Maroc et représente environ 13 % du PIB du pays. Pour développer ce secteur économique crucial et permettre notamment la mise à niveau des petites et moyennes exploitations familiales des zones défavorisées, le royaume a adopté en 2008 le Plan Maroc vert, qui prévoit notamment l’accès à des financements adaptés.
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C’est dans ce contexte que le Crédit agricole du Maroc (CAM) a bénéficié de plusieurs lignes de crédit labellisées AGREENFI, dispositif créé par l’AFD pour soutenir la finance agricole et rurale. Ainsi, entre 2015 et 2018, ce sont 7 000 petites exploitations agricoles qui ont bénéficié de crédits bancaires mis en place avec le soutien de l’AFD, malgré les risques que comportent par essence leurs activités.
Pour une agriculture en cohérence avec la transition climatique
« La ligne de crédit AGREENFI allouée au CAM en 2019 comporte quatre composantes, très orientées vers la transition climatique, détaille Bruno Vindel, chargé de mission à l’agence AFD de Rabat. La première soutient des investissements en matière d’énergie durable avec de petites industries agroalimentaires qui vont investir pour réduire leur consommation d’énergie fossile, soit en misant sur l’efficacité énergétique, en acquérant des équipements plus performants, soit en investissant dans la production d’énergie renouvelable, avec la pose de panneaux solaires. »
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La deuxième composante concerne « l’eau et les systèmes d’irrigation autonomes : il s’agit de technologies utilisées par les agriculteurs pour amener l’eau à la racine et faire de l’irrigation de précision. Le troisième volet concerne les investissements ruraux verts : la plantation d’arbres fruitiers, la culture en oasis pour économiser les ressources naturelles, les outils de collecte d’eau de pluie… Enfin, la quatrième composante est le soutien au lancement de l’agriculture biologique au Maroc, avec le label Bio Maroc. Il s’agit aussi de prêts de fonds de roulement pour soutenir les premières années de conversion. »
Créé en 2008, le programme AGREENFI « était destiné à inciter les banques à financer plus facilement, avec des moyens plus adaptés, le secteur agricole et rural, dont on sait qu’il est touché par différents aléas – climatiques, sanitaires, etc. », retrace Bastien Bedossa, responsable de la division Systèmes financiers à l’AFD.
Depuis son lancement, le label AGREENFI a permis le financement de 92 projets dans le monde, pour un investissement total de 830 millions d’euros, de l’agriculture familiale à la pêche durable, en passant par l’agroforesterie. Il comprend notamment un accompagnement technique pour les institutions financières et leurs clients.
Financer au plus près des besoins
Le label permet de travailler avec des institutions financières qui, du fait de leur activité, présentent des profils de risque parfois élevés. Ces établissements plus petits, parfois plus fragiles, sont essentiels pour soutenir l’activité économique dans des régions reculées. Leur présence est un enjeu de cohésion et de réduction des inégalités territoriales.
En Afrique subsaharienne, par exemple, seulement 7 % de la population a recours à une banque pour créer, exploiter ou développer l'activité agricole ou rurale. Dans les pays en développement, deux personnes sur cinq ne possèdent pas de compte au sein d’une institution financière. Ces chiffres de la Banque mondiale et de l’Organisation mondiale pour l’alimentation et l’agriculture illustrent la tension entre un secteur qui a un fort besoin de financement et la frilosité des banques à soutenir des clients dont l’activité est souvent peu ou pas formalisée.
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Autre objectif poursuivi par le label AGREENFI : la promotion des activités des banques agricoles, dont le rôle est souvent méconnu et l’image de marque peu développée. « Une banque agricole peut financer l’agroécologie, utiliser la géolocalisation ou offrir des services de paiement digitaux. Ce label vise aussi à accompagner la transformation des activités économiques et financières en zone rurale pour que celles-ci restent pourvoyeuses d’emplois et de revenus à long terme », explique Bastien Bedossa.
Un double objectif socio-économique et environnemental
« Le label AGREENFI soutient les clients mais aussi les institutions qui les accompagnent, dans le double objectif de préserver les ressources naturelles et de réduire les inégalités socio-économiques », résume Cosimo Winckler, responsable de projets à l’AFD. Les banques qui collaborent avec le programme adhèrent à sa philosophie et son but : intégrer les Objectifs de développement durable et soutenir les projets qui permettent de les atteindre.
« La lutte contre la pauvreté, la sécurité alimentaire mais aussi la réduction des inégalités territoriales et la préservation de l’environnement sont au cœur des objectifs d’AGREENFI. Par construction, ce label contribue à forger des équilibres sociaux et environnementaux de long terme », affirme Bastien Bedossa.
Treize ans après sa création, le programme a démontré son utilité dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique. Prochaine étape : mobiliser davantage d’institutions financières pour construire des trajectoires de développement équilibrées et durables pour les régions rurales.