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L’accaparement des terres au Tchad est un phénomène nouveau, massif, et accumulateur visant le contrôle de large partie de terres riches agricoles. Le contexte tchadien correspond plus ou moins aux critères globalement admis pour définir l’accaparement des terres : la taille des emprises, les acteurs (passifs ou actifs), le contrôle des procédures, la légalité des acquisitions et l’utilisation des terres cédées. Les investisseurs étrangers se sont encore peu intéressés au foncier agricole tchadien. Le phénomène est porté par une classe d’investisseurs locaux. Les emprises et surtout les empreintes du phénomène sur les terroirs villageois, le foncier agricole et sur les petits producteurs sont vérifiables sur le terrain, notamment dansla zone du bas-Chari et du Bas-Logone (Départements du Chari et du Haraze Albiar) où l’étude a été menée.
L’étude tire les conclusions assorties de propositions suivantes pour qu’elles soient portées par tout travail
d’engagement citoyen de la part des commanditaires de la présente étude :
- Pour atténuer les conflits d’intérêts autour du foncier au Tchad, il est souhaitable que l’État manifeste clairement une certaine volonté politique de délégitimer ce processus d’acquisition en l’appliquant même sur les acquisitions déjà consacrées.
- En prévision d’une ruée vers les terres agricoles tchadienne, Il est essentiel d’intégrer dans le droit national, des dispositions qui encadrent rigoureusement toute cession de terres relative à une demande d’accès massif à la terre, notamment sur le volume de surface demandé et la durée des contrats qui doivent être callés sur un seuil de tolérance très bas (par exemple une location ne dépasserait pas 15 ans). Elles devraient aussi être exclusives des terres reconnues aux communautés.
- Pour améliorer le niveau d’accès à l’information stratégique des petits producteurs, l’État doit appliquer les dispositions de la loi sur l’accès à l’information. Il doit faciliter et contribuer avec les organisations d’appui au développement à la vulgarisation des textes relatifs au foncier à l’endroit des petits producteurs ruraux, en diversifiant et en actualisant les divers canaux d’information en leur direction.
- Pour mettre fin à la détresse de petits producteurs, il faut utiliser l’autorité de la loi pour restituerleurs terres aux petits producteurs, d’autant plus que seulement 20% environ des terres accaparées sont mise en valeur. Cette restitution doit concerner les terres les meilleurs pour éviter une secondeinjustice. Cela n’exclut pas une relocalisation à condition qu’un consentement préalable, libre etéclairé soit engagé avec les victimes
- Il faut adapter les lois sur le foncier aux contextes. Il est important que l’Etat structure le cadre légal lié au domaine national en le chapotant par une directive qui dicte les orientations stratégiques. Cette directive devrait décourager tout accaparement. Ensuite, des lois spécifiques peuvent y découler qui pourrait être dédiées à des thèmes spécifiques : foncier, pastoralisme,urbanisme, etc. On aurait ainsi l’avantage de disposer d’orientations stratégiques et des lois qui doivent répondre de choix retenus. L’Etat tchadien peut s’appuyer sur l’expérience des pays sahéliens membres du CILLS (Niger, Mali, Burkina Faso, etc.).
- Le conflit permanent entre droit national et droits coutumiers ne fait pas avancer la cause des petits producteurs. De ce fait, l’État devrait avoir le courage de régler ce problème à la faveur del’élaboration d’une directive ou d’une loi-cadre sur le domaine national en particulier :
- Dessaisir l’État de son statut d’unique propriétaire des terres au profit de la [Nation] ou du[Peuple] comme l’ont fait les autres Etats du CILLS en Afrique de l’Ouest ;
- Acter les terres communautaires tel que désigné par les droits coutumiers comme étant les propriétés de ces communautés.
- Intégrer les dispositions des codes coutumiers après en avoir fait une synthèse dans la nouvelle structure du cadre légal contenu dans la proposition n°4 ci-haut ; La synthèse devrait concerner en particulier la gestion foncière et la tenure foncière.
- Intégrer dans le cadre normatif, le principe du consentement libre, préalable et éclairé des communautés concernées par toutes emprises importantes de terres
- Fixer un seuil critique de tolérance pour toute demande ou somme de demandes sur des terres communautaires. Le seuil devant être déterminé en % de terres communautaires. Toute demande ou somme de demandes dépassant ce seuil critique est tout simplement nulle.
- Protéger les droits fonciers pour réduire encore plus les marges d’action de l’accaparement.
- Inefficacité des politiques agricoles : Pour survivre, les paysans dépossédés de leur terre vendent leur force de travail dans des conditions fixées par les nouveaux « propriétaires » de ces terres. Ilsperdent ainsi toute condition de vie qui respecte leur dignité. A côté, les efforts publics sont trop faibles : le ratio de 10% de Malabo n’est pas atteint (PDDA, 2018), les politiques de crédit de la BEAC sont inadaptés et inefficaces, les instruments stratégiques comme la SNFI2 sont inopérants.
- Protection des leaders communautaires : Des leaders communautaires émergent dans les zones derésistance, mais ils sont vulnérables par rapport au rouleau compresseur des accapareurs. D’autant plus que les OSC dans le milieu rural ne sont pas structurées pour les soutenir. Ce qui fait qu’ils sont à la merci à la fois des autorités traditionnelles, les autorités administratives et militaires et les accapareurs. Il est important de les aider à se structurer, à constituer une masse critique pour se défendre eux-mêmes.