Lettre ouverte: Le Cameroun est un pays à haut risque de déforestation et de dégradation des forêts | Land Portal
Author(s): 
Samuel Nguiffo, Centre pour l’Environnement et le Développement (CED) Stella Tchoukep, Greenpeace Afrique Danielle van Oijen, Milieudefensie – Amis de la Terre Pays-Bas Indra van Gisbergen, Fern Raphael Edou, Environmental Investigation Agency (EIA) Aristide Chacgom, Green Development Advocates (GDA) Biloa Jeanne, Bagyeli Cultural and Development Association (BACUDA) Stephen Nounah, Forest Peoples Programme (FPP) Martin Biyong, Centre pour le Développement Local Alternatif (CeDLA)
Language of the news reported: 
francês

Chers décideurs,

Nous vous écrivons pour vous faire part de nos préoccupations concernant la déforestation à grande échelle pour les plantations agro-industrielles et la dégradation des forêts due à l’exploitation forestière industrielle illégale au Cameroun. Ces questions sont étroitement liées à la violation des droits humains des communautés locales et des peuples autochtones du Cameroun, qui découle de la mauvaise gouvernance au Cameroun et au niveau international.

Elle va à l’encontre de vos engagements internationaux et nationaux de mettre fin à la déforestation et à la dégradation des forêts, lutter contre la pauvreté et soutenir les moyens de subsistance locaux.

Ceux-ci figurent dans la stratégie de l’UE pour protéger les forêts du monde et son règlement sur la déforestation (RDUE), les objectifs de l’Initiative pour la Forêt d’Afrique Centrale (CAFI), les engagements de la COP26 de la CCNUCC pour stopper et inverser la perte de forêts et la dégradation des terres d’ici 2030, ‘the Global Forest Finance Pledge’ et le Cadre mondial pour la biodiversité adopté en 2022, ainsi que le droit international des droits humains.

Dans la zone clé pour la biodiversité de Campo Ma’an, la déforestation à grande échelle afin d’y créer des plantations industrielles d’huile de palme est en cours. C’est parmi les exemples de déforestations les plus importants actuellement dans le bassin du Congo. Chaque jour, des dizaines de transports de grumes circulent sur les routes. Des rangées de palmiers à huile nouvellement plantés remplacent les forêts à haute valeur de conservation et à haut stock de carbone. Environ 60 000 hectares sont menacés, dont 40 000 actuellement attribués à la société Cameroun Vert (Camvert). Cette forêt sert de corridor crucial pour la faune ; elle est le patrimoine coutumier du peuple Bagyeli ainsi que des communautés Mvae et Iyasa, qui en dépendent. La mise en œuvre de ce projet s’est faite sans consentement libre, informé et préalable, ni compensation juste et équitable.Au-delà de l’impact immédiat sur les moyens de subsistance, les communautés concernées signalent une augmentation des conflits entre les humains et la faune. Les résultats détaillés de la cartographie SIG montrent que la superficie de la concession déboisée en septembre 2022 était de 2 876 ha, mais qu’en novembre 2022, la superficie détruite avait presque doublé pour atteindre 4 978 ha . Les organisations de la société civile estiment que, début 2023, presque 6 000 ha de forêt avaient été détruits.

Suite au dépôt d’une plainte à la demande de sept communautés autochtones Bagyeli concernées par les plantations de Camvert, le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) a suggéré que le Cameroun manquerait à son obligation de protéger les droits des peuples autochtones. En août 2023, le Comité a demandé au Cameroun de suspendre ou de révoquer la concession.

Le processus d’octroi des permis d’exploitation de la forêt et l’établissement de la plantation de Camvert est entaché d’illégalités. Le permis de ventes de coupe a été délivré avant l’octroi de la concession pour la plantation. Ces permis s’étendent au-delà des limites de la plantation et ont une durée et des options de renouvellement irrégulières. De plus, le déclassement de l’ancienne concession forestière en terres agricoles serait également irrégulier et fait actuellement l’objet d’une contestation devant les tribunaux nationaux.

Des experts et des scientifiques affirment que le système d’exploitation forestière industrielle au Cameroun est un fiasco. Ils estiment que la surexploitation et la corruption ont permis au secteur privé de s’enrichir en ravageant les forêts camerounaises, avant de recommencer ailleurs. Le cas de Camvert, où les concessions forestières industrielles abandonnées sont maintenant transformées en plantations d’huile de palme, étaie cette analyse.

La forêt d’Ébo constitue un autre cas bien documenté d’exploitation forestière illégale. L’attribution de deux concessions forestières par décret en avril 2023 dans la zone forestière d’Ébo – l’Unité Forestière d’Aménagement (UFA) 07-006 de 68 385 ha à Sextransbois et l’UFA 07-005 d’un peu plus de 65 000 ha à la société d’exploitation forestière SCIEB – est une violation flagrante des lois du Cameroun. L’UFA 07-006 a été attribuée à Sextransbois en dehors des procédures régulières : sans appel d’offres public, sans réunion de la commission interministérielle d’attribution, sans adjudication au mieux-disant financier et technique et en présentant d’autres irrégularités.

L’abattage des arbres a commencé et la dégradation se poursuit. Les communautés locales du peuple Banen, dont les droits fonciers coutumiers ne sont pas garantis, ont été incitées à accepter l’exploitation forestière industrielle par de fausses promesses selon lesquelles elles seraient autorisées à retourner dans leurs villages ancestraux et recevraient d’importants montants des taxes forestières. Les ‘consultations’ entreprises n’étaient en aucun cas conformes aux exigences de la législation internationale sur les droits humains en matière de concertation et de consentement libre, informé et préalable. Il est extrêmement préoccupant que leurs terres ancestrales soient devenues propriété de l’État dans le but de les exploiter et sans droit de retour pour les Banen. Les Banen ont engagé des procédures judiciaires pour exiger le retrait du

permis d’exploitation forestière industrielle sur leur territoire. Plus de 40 communautés, principalement des Banen, vivent à la périphérie de la forêt d’Ébo et dépendent de la forêt pour leur subsistance et le maintien de leur culture.

La forêt d’Ébo abrite une partie des derniers paysages forestiers intacts du Cameroun. En termes de biodiversité, la forêt d’Ébo est un écosystème primordial. Elle abrite plusieurs espèces menacées figurant sur la liste rouge de l’UICN et dans la classe A du régime camerounais de protection de la faune, notamment une nouvelle sous-espèce de gorille (Gorilla gorilla), la plus grande population de chimpanzés du Nigéria et du Cameroun (Pan troglodytes ellioti), connus dans le monde entier pour leur utilisation d’outils afin d’extraire les termites et de casser les noix, ainsi que des éléphants de forêt (Loxodonta africana cyclotis). Cette forêt est également essentielle quant aux engagements climatiques du Cameroun ; son important stock de carbone est estimé à 35 millions de tonnes.Malgré son importance pour le Cameroun, la forêt d’Ébo n’a pas de statut de protection juridique et le gouvernement affiche une présomption en faveur de l’exploitation forestière. En 2020, le gouvernement a dû retirer un décret classant la zone en concession forestière (UFA 07-005) suite aux protestations des communautés Banen, des scientifiques et de la société civile du monde entier.

Cependant, la construction de routes illégales a commencé peu après afin d’ouvrir la forêt à l’exploitation forestière. En réponse au tollé international et aux demandes et publications diverses, notamment du chef de la délégation de l’UE et des ambassadeurs de plusieurs pays européens, de la société civile et d’une mission d’observation indépendante des forêts (FODER) exposant plusieurs activités d’exploitation forestière illégale, la route a été interrompue après avoir percé la forêt sur une distance de 26 kilomètres.

Ces deux cas sont emblématiques de tendances beaucoup plus répandues et démontrent que le gouvernement camerounais se détourne intégralement de la législation nationale et de ses engagements internationaux relatifs aux forêts, au climat, à la biodiversité et aux droits humains.

Ceci pourrait compromettre les échanges commerciaux avec l’UE, le Royaume-Uni et d’autres marchés qui prennent des mesures pour prévenir la déforestation et les violations des droits humains liées au bois, au caoutchouc, à l’huile de palme et au cacao. Actuellement, la grande majorité du cacao produit au Cameroun est expédiée en Europe. Si ce marché est fragilisé par l’abattage illégal et la déforestation, les efforts déployés par le gouvernement camerounais au cours des dernières années pour soutenir les petits exploitants et améliorer la traçabilité et la qualité de la production de cacao risquent d’être réduits à néant.

La mauvaise gouvernance dans les secteurs agricole et forestier du Cameroun se caractérise par l’illégalité et le manque de transparence, et entrave le développement. Les ressources naturelles précieuses sont surexploitées et détruites, les droits des communautés sont bafoués et la pauvreté s’accroît, tandis que les bénéfices sont accaparés par une élite (souvent corrompue). Les opérations illégales d’exploitation forestière industrielle et de plantations de palmiers à huile mettent également en péril le commerce dans d’autres secteurs agricoles. Nous demandons instamment aux décideurs de vos institutions respectives et de vos gouvernements nationaux de veiller à ce que la finance et le commerce ne contribuent pas aux opérations illégales et ne les facilitent pas, et nous vous demandons de continuer à travailler avec le gouvernement du Cameroun pour cibler les causes sous-jacentes de la déforestation et des violations des droits humains.

La CAFI n’est pas pertinente pour les forêts tropicales du Cameroun, car leurs projets actuels se situent en dehors du biome de la forêt tropicale. La CAFI devrait plutôt s’assurer qu’elle oriente ses financements vers l’arrêt de la destruction des zones clés de la forêt tropicale au Cameroun, y compris la forêt d’Ébo et la concession de Camvert, et qu’elle place les droits des communautés au centre de tous les accords et les investissements de la CAFI afin d’avoir un impact significatif.

Nous attendons avec impatience votre réponse et votre analyse et serions heureux de vous rencontrer pour discuter plus en détail du contenu de cette lettre.

Bien cordialement,

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