Le 5 mars 2025, la FAO et la Global Land Alliance ont publié une étude importante intitulée Collective Tenure Rights and Climate Action in sub-Saharan Africa (Droits fonciers collectifs et action climatique en Afrique subsaharienne). Cette étude rassemble des recherches de fond sur l'impact des régimes fonciers collectifs sur l'état des forêts, la biodiversité et les moyens de subsistance des peuples autochtones et des communautés locales de la région. Les résultats sont particulièrement pertinents, au regard de l'importance des droits fonciers de ces communautés pour l'action climatique et le développement durable.
L'événement virtuel, auquel ont assisté plus de 300 participants, a réuni un groupe prestigieux d'experts en matière de régime foncier, de gouvernance foncière et de financement du climat pour discuter des principales conclusions de l'étude. La discussion a porté sur le rôle de la sécurisation des droits fonciers collectifs des peuples autochtones et des communautés locales pour soutenir les stratégies d'atténuation et d'adaptation au climat, sur l'identification des lacunes en matière de sécurité foncière et sur la proposition d'investissements prioritaires pour renforcer la gestion durable des forêts.
Remarques préliminaires : L'urgence de reconnaître les droits de tenure collective
La session a été modérée par Francesca Romano, responsable des régimes fonciers à la FAO, qui a souligné l'importance de la recherche et la diversité des expertises représentées dans le panel.
Dans son discours d'ouverture, Ward Anseeuw, chef de l'équipe chargée des régimes fonciers à la FAO, a souligné deux aspects déterminants du rapport :
- La reconnaissance des communautés autochtones et locales en tant que protectrices de la biodiversité et des ressources naturelles ;
- Le besoin pressant de garantir leurs droits fonciers et territoriaux, étant donné que plus de 78 % des forêts africaines sont sous régime foncier communautaire et que seulement 17 % des terres africaines détenues par les communautés autochtones sont documentées de façon formelle.
Il a souligné que la garantie de ces droits est cruciale pour l'action climatique, comme le reconnaissent les récentes réglementations mondiales telles que la Convention sur la diversité biologique (CDB) et les négociations de la CCNUCC.
Discours d'ouverture : Un cadre pour l'action et l'investissement
Dans son discours d'ouverture en séance plénière, Margaret A. Rugadya, Responsable Programmes à l'International Land and Forest Tenure Facility, a souligné que l'étude arrive à un moment charnière qui exige l'alignement des objectifs de sécurité foncière avec ceux de justice climatique.
Elle a mis en évidence un manque criant de données, en particulier en Afrique, qui entrave la capacité d'influencer les politiques et de garantir les investissements. Elle a illustré le dilemme quotidien auquel sont confrontées les communautés dépendantes des forêts : protéger leurs forêts ou succomber aux pressions économiques qui les poussent à les exploiter. Mme Rugadya a fait valoir que l'action durable en faveur du climat nécessite des investissements dans la gouvernance communautaire, des mécanismes équitables de partage des bénéfices et la reconnaissance juridique des régimes fonciers coutumiers.
« Les communautés autochtones considèrent leurs forêts comme une richesse, non seulement pour leur survie, mais aussi pour la préservation durable de ces ressources et comme outil d'autonomisation économique. Nous devons reconnaître les bénéfices monétaires et non monétaires qui encouragent leur investissement pour la protection de ces ressources sur le long terme », a-t-elle déclaré.
Présentation de l'étude : une voie vers la sécurité foncière et la résilience climatique
Malcolm Childress, directeur exécutif de la Global Land Alliance, a donné un aperçu structuré de l'étude, qui synthétise les résultats de plus de 400 publications de recherche et de nombreux entretiens avec des experts à travers le continent. L'étude est structurée en quatre sections principales :
- Contexte des régimes fonciers en zones forestières et du changement climatique en Afrique subsaharienne - Cette section met en évidence le fait que les régimes fonciers collectifs dominent la gouvernance forestière, mais que ceux-ci sont faiblement documentés et reconnus, ce qui contribue à l'insécurité foncière.
- Facteurs influençant la gouvernance forestière communautaire - Cette section décrit les conditions favorables telles que le soutien des gouvernements, les avantages matériels pour les membres de la communauté, une gouvernance communautaire forte, l'égalité socio-économique et entre les genres, et des conditions géographiques/physiques favorables.
- Résultats de la gouvernance forestière communautaire - Analyse des données et de la litérature montrant que la sécurité foncière peut conduire à une amélioration de la conservation de la biodiversité et à péreniser les moyens de subsistance, mais qu'elle souffre d'un manque de cohérence en raison des lacunes en matière de gouvernance.
- Pistes pour étendre la sécurité foncière - Proposition d'un modèle d'investissement axé sur le renforcement des droits fonciers, l'amélioration de la gouvernance communautaire et le développement d'entreprises forestières.
M. Childress a souligné que si les régimes fonciers communautaires sont prometteurs, leur efficacité dépend d'une combinaison de reconnaissance juridique, de capacité de gouvernance locale et d'investissements financiers. Il a appelé à un mouvement social mondial qui s'attache à connecter les modes de gouvernance des forêts "par le bas" avec les cadres financiers et politiques internationaux en matière de climat.
Discussions en panel : Perspectives d'experts sur la sécurité foncière et l'action climatique
Le panel a bénéficié des contributions de Roselyn Fosuah Adjei (Forestry Commission of Ghana), Simon Norfolk (Terra Firma, Mozambique), et Simon Addison (FAO), qui ont fourni des perspectives régionales et techniques sur la sécurité foncière.
Participation des gouvernements aux réformes foncières et au financement de la lutte contre le changement climatique
Roselyn Fosuah Adjei, point focal national REDD+ du Ghana, a souligné la nécessité de réformes foncières qui s'alignent sur les mécanismes de financement du climat tels que REDD+. Elle a noté que les programmes de financement devraient être adaptés aux contextes singuliers de gouvernance foncière de chaque pays et éviter d'imposer des réglementations externes qui ne reflètent pas les réalités locales.
« Qui est réellement confronté à l'insécurité foncière ? Si nous n'analysons pas correctement cette question, nous risquons de concevoir des solutions qui créeront de nouveaux conflits au lieu de les résoudre », a-t-elle averti.
L'expérience du Mozambique : la dévolution comme stratégie foncière
Simon Norfolk a mis l'accent sur les lois progressistes du Mozambique en matière de régime foncier, qui reconnaissent l'occupation coutumière comme un droit inscrit dans la loi. Il a souligné que la formalisation foncière par les communautés s'est avérée efficace pour attirer des investissements responsables tout en protégeant les forêts.
« Il est nécessaire de réfléchir stratégiquement au financement de la sécurité foncière. L'enregistrement initial des droits est un bien public qui devrait être soutenu par les gouvernements et les bailleurs de fonds. Au-delà, nous devons permettre aux communautés de conserver leurs droits fonciers et de les mettre au service du développement durable », a-t-il fait valoir.
Justice climatique et sécurité foncière
L'intervention de Simon Addison s'est concentrée sur les rapports entre justice climatique et sécurité foncière. Il a souligné que les peuples autochtones et les communautés locales, bien qu'ils soient ceux qui contribuent le moins au changement climatique, en subissent les conséquences les plus graves. Il a plaidé en faveur de la sécurité foncière en tant qu'outil permettant de:
- Protéger les communautés vulnérables des risques climatiques.
- Réparer les injustices historiques liées à la dépossession foncière.
- permettre aux communautés de bénéficier de la finance climat et des marchés du carbone.
"Les communautés autochtones sont les meilleures protectrices de leurs terres. Soutenir leurs droits fonciers n'est pas seulement une question de justice, c'est une stratégie efficace d'atténuation du changement climatique », a-t-il conclu.
Remarques finales et perspectives d'avenir
Astrid Agostini, conseillère principale au Centre d'investissement de la FAO, a résumé les principaux points à retenir :
- La reconnaissance des droits fonciers est fondamentale: la sécurité foncière est le fondement de la conservation de la biodiversité à long terme et de la résilience climatique.
- Les régime fonciers collective ne constituent pas une solution suffisante: il est essentiel qu'ils soient complétés par des investissements dans la gouvernance, les moyens de subsistance et par des mécanismes de finance climat.
- L'importance de disposer de données exploitables - L'étude est un point de départ: la production de recherches et d'innovations plus localisées est essentielle.
Elle a annoncé que la FAO et ses partenaires publieraient une note d'orientation pour explorer plus avant les possibilités d'investissement dans la sécurité foncière.
Conclusion : Un appel à l'action
L'événement a souligné que la sécurisation des droits fonciers collectifs n'est pas seulement une question juridique ou sociale - elle est fondamentale pour répondre aux objectifs climatiques. L'étude de la FAO et la Global Land Alliance fournit une feuille de route, mais la réalisation de progrès concrets exige un travail de collaboration durable entre les gouvernements, la société civile et les institutions financières.
Comme le dit si bien Malcolm Childress : "Si ces droits et ces ressources sont perdus ou endommagés, il sera très difficile d'en inverser l'impact à l'avenir. Nous devons travailler ensemble pour garantir que les droits fonciers restent au cœur de l'action climatique mondiale."
Il s'agit maintenant de traduire ces idées en actions - garantir la sécurité foncière, donner du pouvoir aux communautés et veiller à ce que les investissements dans le domaine du climat soient à la fois justes et durables.