C'est après la mort d'un journaliste cambogien, tué au cours d'une enquête sur le commerce illégal du bois, que l'ONG Global Witness a décidé de publier un rapport sur les défenseurs de l'environnement. Au terme de recherches menées sur le terrain, et avec l'aide d'organisations mondiales, ils ont enregistré une hausse constante, depuis dix ans, du nombre d'activistes assassinés. Les chiffres sont alarmants: 2015 est l'année la plus meurtrière. La raison? L'exploitation accrue des ressources naturelles dans des zones encore intactes.
Global Witness a rencensé 185 victimes dans 16 pays avec, en tête, le Brésil qui en compte 50 à elle-seule. «Le Brésil est le plus touché car la corruption y est très répandu, explique l'auteur du rapport, Billy Kyte, au Figaro. L'Amazonie est riche en ressources naturelles et très fragilisée à cause de l'exploitation illégale qui sévit. Cette région fait partie des dernières zones de nature vierges et les trafiquants sont prêts à tout pour y exploiter les sols et la forêt.» Aujourd'hui, 80% du bois du Brésil est abattu illégalement. L'huile de palme et le minerai sont également très exploités.
«Les bûcherons ne sont pas punis, ce qui encourage la ruée vers les ressources naturelles amazoniennes, poursuit Billy Kyte. La demande étant de plus en plus forte, certains acteurs de la vie publique, tels que des maires et des parlementaires, se laissent corromprent et n'hésitent pas à délivrer des autorisations et des permis pour cultiver les sols ou couper le bois.»
Au point que le combat pour la préservation de cette région et de sa forêt devient «de plus en plus un combat contre des bandes criminelles, qui terrorisent les populations locales».
40% des victimes sont issues de populations autochtones
En épuisant les ressouces des espaces naturels, ces exploitants mettent en danger les populations autochtones, qui représentent près de la moitié des 185 victimes recensées dans le monde.
Au Brésil, les autochtones touchés sont principalement des tribus indigènes. Les Indiens représentent 0,4% de la population nationale, avec 900.000 individus répartis dans 240 tribus. Paradoxalement, seulement 1,5% des tribus résident dans les 690 territoires reconnus par le gouvernement, dont 98,5% sont d'Amazonie.
«Ces populations se battent afin de préserver leur terres, ce qui peut leur coûter la vie», ajoute Billy Kyte. En novembre, plusieurs dizaines d'indigènes avaient tenté d'entrer au parlement de Brasilia afin d'empêcher un amendement constitutionnel à propos de l'homologation et la démarcation de leurs terres ancestrales. «S'ils approuvent, il y aura la guerre, car nous n'allons pas laisser l'agrobusiness, les sociétés agricoles, les mineurs illégaux envahir notre terre, avait déclaré Paulinho Payakan, représentant du groupe Kayapo d'Amazonie. Nous allons la défendre.»
Global Witness en appelle aussi aux investisseurs et aux consommateurs, dont les choix, de l'autre côté du monde, ont un impact direct. Les premiers consommateurs de bois précieux sont les Etats-Unis, la Chine et l'Europe.
Plusieurs ONG militent pour la protection des activistes et des tribus indigènes, parmi lesquelles Survival. Ce mouvement mondial est le seul à se consacrer exclusivement à la défense des peuples autochtones du monde entier. «Avec ce rapport, je me suis rendu compte que l'environnement est devenu un champ de bataille pour les droits de l'homme, conclut Billy Kyte. Et les populations qui se trouvent au premier plan en sont les victimes.»