La récente Semaine mondiale de l'eau à Stockholm a offert de belles opportunités d'explorer les liens entre le droit à l'eau et les droits fonciers ainsi que l'importance de ces droits pour un développement durable aux échelles locale et nationale.
C'était la deuxième fois que je me rendais à la Semaine mondiale de l'eau. En tant que coordonnateur régional de la Global Water Initiative (GWI) en Afrique de l’Ouest, basé à Ouagadougou, au Burkina Faso, je me suis rendu à Stockholm avec des collègues de l'Institut international pour l’environnement et le développement (IIED) et des partenaires du Mali et du Sénégal.
« L’eau pour le développement », thème qui donnait le ton de la conférence cette année, établissait un lien entre deux grands événements sur le développement et le climat : le Sommet sur le développement durable qui se déroulera la semaine prochaine à New York et la conférence de l'ONU sur le changement climatique à Paris en décembre prochain. De ce fait, nombre des sessions et des ateliers portaient sur les Objectifs de développement durable (ODD) et comment faire en sorte que l’eau soit véritablement intégrée dans l’accord espéré sur le climat.
Le thème de cette année cadrait particulièrement bien avec les travaux de la GWI en Afrique de l'Ouest sur la manière d'améliorer les grandes infrastructures hydrauliques – notamment les barrages et les périmètres irrigués – en termes de partage de bénéfices et de sécurité alimentaire pour les populations locales.
Dans le cadre de la conférence, nous avons présenté un événement intitulé « Vers des barrages économiquement rentables et socialement justes en Afrique de l’Ouest » en collaboration avec des représentants de la Communauté Économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), de l'Initiative Prospective Agricole et Rurale (IPAR, un think tank sénégalais) et des communautés locales du bassin du fleuve Niger.
Nous avons aussi contribué à l'atelier sur « L'eau comme moteur du développement durable et de l’éradication de la pauvreté » en se focalisant sur le droit à l’eau et les droits fonciers. L'un de nos messages principaux fondés sur nos acquis était que si les gouvernements veulent construire des grands barrages à buts multiples pour répondre aux objectifs nationaux en matière d'énergie et d'irrigation, ils doivent, dans le même temps, veiller à mettre en place des conditions propices à un développement durable à tous les niveaux.
Cela signifie que nous ne pouvons pas parler de développement national sans parler de développement local et nous ne pouvons pas parler de performances macro-économiques sans prêter attention aux droits des communautés locales sur les ressources naturelles. Notre contribution comprenait des exemples tirés de notre expérience comme le cas du barrage de Kandadji au Niger, qui montre que pour réussir à répondre aux besoins de développement national, il est indispensable d’investir dans le développement local et de le promouvoir.
Durant la semaine, le Groupe d'experts de haut niveau sur la sécurité alimentaire et la nutrition a présenté son tout dernier rapport intitulé L'eau pour la sécurité alimentaire et la nutrition. L'une des recommandations concerne la promotion d'une approche fondée sur les droits en matière d'eau pour la sécurité alimentaire et la nutrition.
Nous revoilà, encore et toujours, en train d'évoquer la question des droits. Il est fait mention du droit à l'alimentation dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 et le droit humain à l'eau a été reconnu en 2010 par l'Assemblée générale des Nations Unies.
Ces deux droits sont fondamentaux et soulèvent de nombreux défis du point de vue des besoins de sécurité alimentaire et de moyens d'existence durables pour les exploitants familiaux des grands périmètres irrigués en Afrique de l’Ouest : pouvons-nous parler de droits à l'eau et à l'alimentation sans que ces agriculteurs puissent jouir de droits fonciers sécurisés sur les parcelles qu'ils exploitent ?
L'approche fondée sur les droits abordée durant la session à laquelle j'ai participé renforce le besoin de plaider en faveur de la sécurisation et la protection des droits fonciers pour les exploitants familiaux grâce à des approches et des outils juridiques innovants.
La journée « Focus Afrique » de la conférence a aussi été très intéressante et comportait des sessions organisées par le Conseil des ministres africains de l’eau (AMCOW). Notamment celle sur les investissements dans les terres agricoles et la sécurité en eau, lors de laquelle l'Institut international pour la gestion de l'eau (IWMI) a présenté ses recherches sur les impacts des investissements agricoles à grande échelle sur les ressources en eau, les écosystèmes et les moyens d’existence en Afrique subsaharienne – présentation suivie par le groupe ministériel de haut niveau.
L'étude de l'IWMI a mis en exergue le besoin d'améliorer la coordination des politiques en matière de foncier, d'eau et d'environnement. Je suis totalement d'accord, notamment si nous considérons la réalité sur le terrain des périmètres irrigués à grande échelle pour la production rizicole en Afrique de l'Ouest. L'exemple du barrage de Fomi sur le fleuve Niger en Guinée, qui vise à assurer une irrigation des terres en aval jusqu'au Mali, mais qui engendre en même temps de grands impacts sociaux et environnementaux sur le Delta intérieur du Niger, illustre bien la nécessité d'une coordination intersectorielle.
C'était là une occasion de souligner le besoin de complémentarité et de cohérence en matière de gouvernance et de droits à l'eau et au foncier, pour arriver à une agriculture irriguée durable pour les communautés locales tout en préservant l’environnement.
Un peu par hasard, la session ministérielle nous a aussi permis de rencontrer le ministre sénégalais en charge de l'eau. Il est actuellement le Président du Comité de coordination de l'eau de la CEDEAO et il a charge de diriger le prochain Conseil des ministres de l'eau pour l'adoption de la directive de la CEDEAO sur les grandes infrastructures hydrauliques.
Une réunion importante que nous – l'UICN, l'IIED et la GWI – appuyons largement car cette directive est le fruit d'un long processus de dialogue régional en faveur de meilleures infrastructures.
Comme je l'ai dit, Stockholm nous a offert maintes opportunités !
Jérôme Koundouno (jerome.koundouno@iucn.org) du bureau of l'UICN pour l’Afrique de l'Ouest et centrale.
Par Jerome Koundouno, initialement posté par l'UICN