Le rôle que joue les communautés rurales dans la gestion des forêts et les ressources naturelles reste marginal. Nous demandons de facto que le gouvernement camerounais privilégie la gestion des ressources axée sur la promotion et la protection des droits et intérêts les communautés locales et autochtones
Le bal s’est refermé en Egypte. Comme plusieurs dirigeants du Monde, le Cameroun a pris part à ces importantes discussions qui se tiennent depuis presque trente ans maintenant sur les changements climatiques et la protection de l’environnement. Pour le succès des mesures d’adaptation et d’atténuation des effets des changements climatiques, les communautés locales et les peuples autochtones demandent aux gouvernements de prendre en compte leurs besoins, droits et intérêts car ils sont, non seulement les plus vulnérables aux effets néfastes de ce fléau mais surtout parce que leurs pratiques ont toujours été respectueuses de l’environnement et qu’il faut les encourager.
Ramant à contre courant, on observe a contrario qu’au Cameroun, le législateur, n’a maintenu que des droits d’usage résiduels aux communautés sur les terres et les ressources forestières, sans la propriété telle qu’elle était alors reconnue même par le droit coutumier des peuples colonisés. Parlant de marginalisation, les communautés ont exprimé plusieurs griefs.
Il y a d’abord l’appropriation par l’Etat de toutes les ressources avec une distribution inéquitable des droits et un partage inéquitable des revenus. En effet, toutes les communautés locales se plaignent que les décisions sur les terres et sur les ressources sont prises à Yaoundé, sans aucune implication de leur part et sans réquisition de leur consentement au moment du choix des terres et forêts qui seront cédées pour l’exploitation à grande échelle, laquelle exploitation ne contribue guère au développement local mais exacerbe les conflits de toutes natures.
Les communautés avaient perçu dans la foresterie communautaire un moyen d’avoir des droits sécurisés sur une portion de terres et de ressources. Malheureusement, et contrairement à l’Etat et aux communes, ces dernières ont non seulement les espaces les plus pauvres en ressources, mais elles ne peuvent acquérir la propriété foncière des forêts communautaires qui, au demeurant reste loin du schéma souhaité de reconnaissance des droits fonciers et forestiers des communautés sur leurs espaces traditionnels.
De plus, par la voix des autorités traditionnelles, les communautés s’offusquent de la non prise en compte de l’existence du village et de ses structures de gestion pour la gouvernance des terres et des ressources naturelles ainsi que leur participation aux différents processus y relatifs. En effet, le village n’a pas d’existence juridique et par conséquent il n’a la propriété d’aucune ressources naturelles, même de celles qui se trouvent dans ce qui est appelé “domaine national” en droit foncier et “forêts du domaine national” en droit forestier camerounais. Le législateur a préféré compliquer la tâche aux communautés en exigeant, lorsque par lui jugé nécessaire, la création des entités juridiques telles que les comités paysans forêts, qui n’ont rien à voir avec le mode traditionnel d’organisation des communautés et qui ont démontré leur inefficacité.
Par ailleurs, les peuples autochtones s’indignent du fait que les animaux reçoivent plus d’attention et bénéficient d’une meilleure protection que les être humains, eux en l'occurrence. En fait, il se trouve que le législateur n’a pas pris en compte certains engagements internationaux du Cameroun qui l’obligent dans le cadre entre autres de la Convention 169 de l’OIT, la déclaration des nations unies sur les droits des peuples autochtones et la déclaration des nations unies sur le droit au développement de distinguer les populations locales et les peuples autochtones; reconnaître et protéger leurs droits sur les terres et sur les ressources et systématiser l’intégration du CLIP dans tous les processus liés à l’exploitation des ressources se trouvant sur leurs terres et terroirs traditionnels. Les peuples autochtones exigent que leur soit reconnu le statut juridique qui leur est propre.
Enfin, les communautés décrient le fait que dans la législation forestière, il y a une définition réductrice des produits forestiers qui ne prend pas en compte les services environnementaux, sociaux, économiques et culturels que leur rend la forêt. En cas de pertes de l’accès aux produits forestiers, l’indemnisation ne portera malheureusement pas sur la perte des services environnementaux au regard de la législation en vigueur.
De ces constats, il en ressort que les communautés rurales vivent dans l’insécurité foncière avec une précarité des droits sur les ressources naturelles. Or il ne fait aucun doute qu’il y a un lien étroit entre sécurité des régimes fonciers et lutte contre les changements climatiques comme le met en évidence, entre autres, Peter G. Veit pour qui il s’agit d’un des piliers de la justice climatique et l’une des solutions équitables au problème climatique, car la sécurité foncière contribue et accroît les efforts déployés par les ruraux pour réduire leur vulnérabilité, améliorer leur résilience et s’adapter aux changements climatiques.
Le Cameroun, en Afrique centrale, est le premier pays a impulsé par le biais de sa politique et de sa législation forestières la participation des communautés dans la gestion des ressources forestières. Les réformes en cours sont l’opportunité unique pour faire converger le droit foncier et le droit forestier entre autres pour améliorer la protection des droits des communautés et leur contribution à la lutte contre les changements climatiques. Les conférences des parties à la convention des nations unies sur les changements climatiques (COP27) et la convention sur la diversité biologique (COP15) quant à elle sont l’occasion de s’engager concrètement pour la justice climatique en général et pour des actions justes et équitables pour le climat dans le secteur foncier, forestier et minier en particulier.