Skip to main content

page search

News & Events Conflits fonciers et urbains, en ville comme au village, batailles rangées autour des terres
Conflits fonciers et urbains, en ville comme au village, batailles rangées autour des terres
Conflits fonciers et urbains, en ville comme au village, batailles rangées autour des terres
Forêt classée / © DR
Forêt classée / © DR

Date: 08 septembre 2016


Source: Régionale.info


Par Adam’s Régis SOUAGA, en collaboration avec Politikafrique.info


Famille Boundy, Prophète Guy contre Abri 2000 et suivants, village d’Anono et Tiémoko Yadé, des anonymes contre d’autres anonymes, la liste est longue pour énumérer les mécontents ou acteurs des feuilletons désormais connus des conflits fonciers urbains. Bouna, Attiégouakro, Touba et tout récemment, Guintéguéla dans le département de Touba, les localités ivoiriennes vivent au rythme des mécontentements liés aux conflits fonciers ruraux.


Acquérir un terrain en Côte d’Ivoire, dans les grandes villes, n’est pas chose facile. Ministère de la Construction et de l’Urbanisme, justice, chefferies traditionnelles, un fourre-tout dans lequel on ne sait qui fait quoi. Une chose est tout de même certaine, dans la confusion, celui qui a souvent raison sort perdant. Par la force des billets de banque. Obtenir un document définitif pour la construction d’un bâtiment relève d’un parcours de combattant. Pour sauter les haies qui parsèment le chemin, il faut « connaître quelqu’un » au fil des administrations à corrompre.


A 310 Km d’Abidjan, dans le Centre-Sud du pays, Bouaflé. Paisible ville baoulé-Gouro, la localité chère au président du CES, Charles Diby Koffi connaît depuis quelque temps, son conflit foncier. Le chef de Lopoifla est accusé de vouloir spolier des personnes de leurs terrains.

Le jeudi 04 aout 2016 s’est tenue sur la place publique du village de Lopoifla une conférence de presse animée conjointement par le chef de Lopoifla You Bi Trazié et du patron de l’entreprise du bâtiment et des travaux publics ( EBTP) en présence des autorités administratives, politiques, coutumières et religieuses.


Cela fait suite à une forte rumeur qui secoue en ce moment la ville. Le chef de Lopoifla se livrerait à une chasse à l’homme à Koupela-Tenkodogo et au quartier administratif de Bouaflé.


Le chef You Bi Trazié souhaite que« les gens arrêtent de créer des polémiques inutiles. Je ne chasse personne je revendique mes droits sur le quartier administratif qui est l’ancien site du village de Lopoifla que les colons ont délocalisé. Nous voulons reprendre notre ancien terrain, j’ai demandé à ceux qui veulent bénéficier de leurs lots de se conformer à nos principes en payant La somme de 350.000 francs CFA» indique-t-il à PolitikAfrique.info.


Poursuivant, il précise que « avant de le faire, j’ai écrit au Directeur Régional du ministère de la Construction et de l’Urbanisme pour l’informer que des gens occupent de façon illégale ma portion, c’est ainsi que je suis entré en contact avec le patron de l’EBTP pour lotir l’ancien village, c’est ce qui se fait concernant ce que les gens appellent chasser les étrangers. J’ai adressé une autorisation de lotissement d’une parcelle de 50 hectares situés sur l’axe Bouaflé- Zuénoula en face des villages de Koupéla-Tenkodogo. C’est ce que certains personnes interprètent comme une chasse aux étrangers » assure-t-il.


Quant au directeur général de l’entreprise du bâtiment et des travaux publiques (EBTP) Gouli Bi Zan, il soutient que « nous sommes là pour accompagner l’administration, j’ai 20 ans d’expérience, tous mes plans de lotissement que j’ai adressés au ministère sont approuvés, on travaille selon les nouvelles dispositions en la matière » a-t-il à son tour rassuré.


Pour conclure le chef You Bi Trazié a fait savoir qu’il se devait de « mettre fin à l’intoxication et aux rumeurs ».


Dans les problèmes sur les terrains urbains, la corruption est la mamelle de tous les maux. Les ivoiriens ont la peur au ventre lorsqu’il s’agit des questions de recherche de terrain dans toutes les grandes villes de Côte d’Ivoire. A Abidjan particulièrement, une mafia aux tentacules visibles ou non sévit. Ils sont démarcheurs,personnels de la justice ou du ministère de la Construction et de l’Urbanisme à s’adonner aux faux coups aux détriments des usagers. Pour sauver les meubles, le ministre Sanogo Mamadou a décidé de traquer la fraude. Un numéro vert est désormais disponible pour dénoncer les magouilles.


Dernier aménagement en date, la décision du ministre de créer un guichet unique du foncier et de l’Habitat. Dorénavant, c’est à Abidjan que tout se passe, toute chose qui n’est pas faite pour faire plaisir à des membres du corps préfectoral. Ils estiment que la décision du ministère, pas toujours liée aux réalités du terrain, pourraient être source de conflit.


Autour des lotissements, des terrains urbains dont les valeurs ne cessent d’augmenter au fil des années et de l’agrandissement des villes ivoiriennes, la concussion se développe.


Une communauté non nationale du Moyen-Orient est à ce jeu, accusé de tous les maux, de concussion et de prise par la force des terrains à des ivoiriens. Ce n’est pas la famille Boundy, en conflit ouvert avec une personne d’origine libanaise qui dira le contraire.


Au champ aussi…


De 1995 à 2016, les conflits sur le foncier rural ont fait se dresser les cheveux des ivoiriens, le gouvernement en tête. Tabou, dans le fond du Sud-ouest ivoirien. L’ex-député Koffi N’guessan saisit l’opportunité d’un conflit entre ivoiriens et Burkinabè pour faire excommunier les planteurs non nationaux. Gagnoa, au Centre-Ouest du pays, n’échappe pas à sa petite chasse aux Baoulé. Le chef de terre du village de Doh, dans la sous-préfecture de Guintéguéla a reçu une expédition punitive pour lui faire passer l’envie d’installer des Sénoufo et Baoulé sur des terres. Le vieil homme a été violemment rudoyé. Dans cette sous-préfecture, du temps du préfet Thérèse Zéranzé, un planteur burkinabè avait mis l’administration sur le pied de guerre.

Dans la foulée, en 1998, pour mettre fin aux poussées de fièvre, le gouvernement a fait voter par le parlement une loi sur le foncier rural. Dans sa mise en œuvre, il est prévu l’établissement de certificat foncier qui peine à décoller. La raison, le coût élevé de l’établissement de ce document administratif qui protège la propriété foncière estimé à au moins 35000 FCFA/ hectare pour l’expert-géomètre.

Pour Dr Miaman Koné, président de l’Organisation agricole Yéya de Touba, la résolution de ce problème réside dans la « participation communautaire ».

« La solution réside dans la participation communautaire aux prises de décision. Les gens installent les étrangers à la communauté de façon non concertée, il faut donc privilégier la concertation. Entre autochtones, il n’y a pas de palabre. Il s’agit d’élargir cette concertation aux cadres et fils de la diaspora des communautés qui ont plus de moyens financiers et donc plus d’influence. C’est le droit coutumier qui prime toujours. Il faut que la loi soit acceptée après beaucoup de sensibilisation par une application avec coercition. Tout le monde veut investir dans l’agriculture. Il faut donc sécuriser le foncier pour créer la confiance entre les banques et les investisseurs » indique le président de Yéya.


Les groupes Louis Dreyfus dans la production rizicole et Del Monte pour la banane de dessert, ont traduit un intérêt pour de grands investissements dans l’agriculture ivoirienne. Comme le dit si bien Dr Miaman Koné, ces investissements majeurs pour l’économie ivoirienne, ne sauraient se faire sans une assurance sur les terres.


Pour l’heure, la sécurisation du foncier rural est demeurée un vœu pieu pour le gouvernement ivoirien. C’est dire que le droit coutumier a encore de beaux jours devant lui avec son corollaire de palabres et d’incertitude.


La Côte d’Ivoire qui aspire à émerger ne saurait rentrer dans la cour des grands sans la primauté du droit positif sur la terre, tant au niveau des villes que des villages tant, avoir un terrain aujourd’hui, est un parcours de combattant. Une diarrhée n’est pas loin dans cette épreuve et en ville, la raison n’a malheureusement aucune force devant les espèces sonnantes et trébuchantes de la plaie ivoirienne, la concussion.