Dans un silence studieux, seuls 10 élèves de l’école publique du village Mali, dans la commune de Betaré Oya à l’Est du Cameroun, affrontent les épreuves de l’examen blanc du certificat d’études primaires.
Ce jour-là, 7 candidats manquent à l’appel. Le village Mali est le fief de l’exploitation de l’or dans cette région.
Orpailleur dès l’âge de 7ans
"Malgré la sensibilisation des autorités traditionnelles et même du corps enseignant, sans oublier les parents, nous nous retrouvons toujours avec ce problème récurrent de déperdition scolaire", explique à VOA Afrique Antoine Adamou, directeur de l’école publique du village Mali.
Ce dernier parle d’un phénomène qui concerne autant les jeunes garçons que les jeunes filles en âge de scolarisation. "Mêmes les forces de l’ordre ont été interpellées pour qu’on interdise aux enfants d’entrer dans les trous d’or les jours ouvrables, mais c’est en vain", soutient Antoine Adamou.
Sur l’effectif de 100 élèves des cours élémentaires 1 et 2 de l’école publique du village Mali, seuls 8 ont répondu présents en début du mois de juin. La plupart des 346 élèves inscrits en début d’année scolaire ont déserté l’établissement qui a été envahi par les folles herbes.
La déperdition scolaire inquiète également Dieudonné Kabo, le directeur de l’école publique de Borongo, un village de l’Est du Cameroun situé à 20km de la Centrafrique.
"Depuis deux ans, avec la présence des entreprises chinoises aux environs de ce village, les enfants cherchent de l’or dans les trous abandonnés par ces Chinois, nous avons alerté la chefferie traditionnelle par écrit ainsi que la hiérarchie parce que la situation se dégrade progressivement", explique-t-il.
Parents aux abois
"En tant que parents, nous sommes fatigués, même lorsqu’on utilise la méthode forte pour pousser les enfants à abandonner le travail de l’or, ils ne comprennent pas, si on les prive de nourriture, ils sont capables d’acheter eux-mêmes à manger puisqu’ils ont de l’argent", explique Hermine Zarmo, une maman au village Mali.
Selon Adrienne Angué, une résidente du quartier Trypano à Batouri, une autre localité aurifère dans l’Est du Cameroun, "quand on permet aux gens d’aller chercher l’or même un enfant de 10 ans va travailler car il se dit qu’il peut déjà gagner sa vie au chantier minier".
Sur les chantiers miniers de Kambelé III ou au village Mali, aucun de ces enfants orpailleurs ne souhaite s’exprimer sur le phénomène de déperdition scolaire.
Accidents, éboulements, noyades
Les autorités municipales mettent désormais les médias à contribution pour sensibiliser contre l’abandon scolaire dans les villages miniers. A la radio communautaire de Batouri, le chef de chaîne Mourouane Oumarou précise que, "la radio diffuse des programmes en trois langues locales sur les problématiques du secteur minier, on fait des débats et on sensibilise les jeunes élèves qui quittent les salles de classe pour les trous d’or".
Les conséquences, ajoute Mourouane Oumarou, "nous les connaissons tous, il y a la sous-scolarisation, c’est pourquoi nous disons que c’est aux parents de bien jouer ce rôle de relais, afin d’amener les enfants à comprendre que dans l’immédiat l’important ce n’est pas de l’argent".
De nombreuses jeunes filles sont aussi concernées par les grossesses précoces dans les villages miniers de l’Est. Une région de l’Est qui figure parmi les 4 régions où le pourcentage d'enfants non scolarisés est important, soit 13,3%. La situation est plus prononcée en milieu rural qu'en milieu urbain.